Les chrétiens ont souvent été montrés comme les victimes ou même les martyrs de l'État romain. En effet, les premières persécutions datant de 64, ne vont s'éteindre officiellement qu'en 313 où la liberté de culte est prononcé par l'édit de tolérance à Milan. On ne peut certainement pas douter de l'existence de cette persécution chrétienne, mais on peut se demander quels étaient les motifs qui ont poussé les païens à agir de la sorte. Comment étaient perçu les chrétiens par l'État romain? Voilà les questions auxquelles ce travail tentera de répondre.
Tout d'abord, il faut situer l'émergence de la religion catholique dans le contexte particulier de la religion prédominante de l'empire romain. En effet, les romains adoraient une multitude de Dieux, car en bâtissant son empire Rome avait adopté les Dieux de ses conquis, afin de mieux les assimiler à l'empire. Ces Dieux ont été facilement adapté à la religion déjà existante à Rome, puisque cette religion était polythéiste et très ouverte aux nouvelles divinités. Les romains considéraient qu'ils devaient leur victoire à cette capacité d'assimiler les Dieux ennemis, et accueillaient ces Dieux comme un apport supplémentaire à sa religion. L'exemple de l'arrivée de la Mère Idéenne, Mère des Dieux d'Asie, en terre romaine témoigne d'un accueil soigné. Malgré le fait que ces nouveaux dieux répondaient à un besoin, les romains prenaient soin de les contrôler et d'assimiler ceux-ci à leur religion, à leur façon.
Alors pourquoi les romains rejettent la religion catholique, s'ils sont si ouverts? En fait, pour plusieurs raisons. Pour commencer, il faut mentionner les particularités du catholicisme. Cette religion se distinguait des autres religions tout d'abord par le fait qu'elle exige d'être fidèle à un seul dieu: Jésus-Christ. Le seul peuple connu des romains qui pratiquait une religion monothéiste étaient les juifs. Malgré le fait qu'on reconnaissait l'ancienneté de cette religion, le monothéisme était perçu comme un signe de faiblesse, et le sort des juifs en était la preuve. On avait même dû les expulser de Rome, car ils se révoltaient souvent.
Cette caractéristique allait à l'encontre du système existant, puisqu'elle exigeait que les divinités romaines déjà existantes soient reniées par les adeptes du catholicisme, et que seul le Christ soit vénéré. Tandis que les Dieux assimilés à l'empire, jouissaient d'un atout considérable aux yeux de Rome, car ils avaient un point en commun avec les divinités romaines: Ils étaient anciens. Cette particularité est d'une grande importance, car les romains sont respectueux des rites et des traditions anciennes, et justifient leur gloire par le respect qu'ils démontrent envers ses Dieux.
D'ailleurs, Cicéron faisait mention dans le traité des Lois: "Que personne n'ait de Dieux à titre séparé, ni de nouveaux, ni d'étrangers, à moins qu'officiellement admis", et il ajoutait, "qu'ils rendent un culte à ceux qu'ils ont régulièrement reçus de leurs pères". Les chrétiens transgressaient donc des lois en rejetant le culte de leurs ancêtres. Cependant, devant la popularité du catholicisme, l'empereur se voyait dans l'obligation de minimiser les peines infligées à ces rebelles.
Donc, les chrétiens, en reniant les divinités vénérées par Rome, rejetaient par la même occasion les traditions qui constituaient le fondement même de l'État. Étant donné qu'ils renient ces divinités, ils refusent également de participer aux fêtes religieuses romaines, aux processions, aux banquets publics, aux spectacles. Ils sont aussi attachés au Royaume des cieux, un royaume qui n'est pas celui de l'empire. Ils refusent de participer au culte de Rome et de l'empereur, puisque ce dernier tient ces pouvoirs de divinités romaines; et d'ailleurs, depuis Auguste certains empereurs étaient divinisé de leur vivant. Tout ceci laisse sous-entendre aux dirigeants romains que les chrétiens se déclinent devant l'autorité de l'empereur.
Ces refus de participation les mettait aussi en retrait de la vie sociale. Rome se trouvait alors coupée en deux clans, et cela venait brimé l'uniformité de l'empire à laquelle les empereurs aspiraient. En plus, la popularité grandissante du christianisme, qui remettaient en question l'autorité de l'État, faisait craindre une séparation politique de cette partie du peuple.
La religion catholique était également mal perçue par l'État. Les romains attribuaient un rôle pratique à la religion par l'étude des auspices, or ils ne voyaient pas l'utilité de la religion catholique. Les romains se servaient de l'étude des auspices afin de prendre toute décision importante, donc sans elle ils se retrouvent démunis. Le Dieu des chrétiens, lui, ne prédit pas de victoires, mais promet la vie éternelle, ce qui paraissait d'ailleurs absurde pour les païens. Ces promesses sont perçues comme inutiles pour les païens puisque ce Dieu n'aide pas ses disciples sur la terre d'une manière concrète, tandis que les dieux romains le font. Ces dieux ont fait leur preuve, c'est pourquoi les romains ne tolèrent pas qu'un petit groupe d'impies remettent en question leur religion et l'affaiblissent.
D'ailleurs, les romains ont formulé de nombreux griefs contre les chrétiens: peut-être afin de justifier une telle persécution, ou peut-être simplement pour rendre la religion catholique moins attirante et réduire le nombre de nouveaux adeptes. On les accusait de pratiquer au cours de festin l'inceste, le cannibalisme, la phallolâtrie, l'adoration de tête d'âne et de croix de bois. On les accuse également de pratiquer leur culte dans la clandestinité et de se cacher, ce qui montre qu'ils ont honte de leurs crimes.
En fait, on associe l'affaire des bacchanales à la religion catholique, puisqu'on accuse les chrétiens de crimes semblables à ceux dont on accusait les bacchistes. D'ailleurs, le scandale des bacchanales avait eu comme conséquence de créer chez les dirigeants la peur d'un complot contre l'Etat, et même "une tentative de subversion sociale". Les autorités romaines craignaient tellement ces possibilités, qui auraient été catastrophiques pour l'empire, qu'elles préféraient prévenir le danger en écrasant le mouvement de la même façon qu'elles ont condamné les bacchistes.
Ainsi, les chrétiens constituaient, tout comme les bacchistes, une menace pour l'État. Cependant, on peut se demander si l'association entre les chrétiens et cette secte avait-elle été faite volontairement par les autorités romaines. On peut le penser, car il y a de fortes chances que les chrétiens ne se pliaient pas à ces accusations. D'ailleurs Pline, dans une lettre adressée à Trajan, décrit les coutumes religieuses des chrétiens en mentionnant qu'ils prêtaient serment de "ne commettre ni vol, ni brigandage, ni adultère, à ne pas manquer à la parole donnée...".
En conclusion, on remarque que les païens avaient des justifications politiques et sociales afin de persécuter les chrétiens. Les principales raisons de ceci sur le plan social sont: l'incapacité d'assimiler cette nouvelle religion à celles déjà existantes à Rome, la ségrégation sociale qu'elle exigeait et qui brimait la cohésion sociale de l'empire; tandis que sur le plan politique, se sont davantage la crainte d'un manque de loyauté chez les chrétiens qui pourrait débouché sur un complot contre l'empereur, puis la séparation politique qui menaçait l'État. Toutefois, ces raisons étaient-elles valables? La chasse aux sorcières du 15è siècle et l'holocauste avaient également leurs justifications. Pourtant, n'était-ce pas des persécutions aussi condamnables?
BIBLIOGRAPHIE Hilgemann, Werner et Hermann Kinder.Atlas historique. Paris, Perrin, 1992.
Christol, M. et D.Nony. Rome et son empire. [s.l.], Hachette supérieur, 1990.
Cette page a été réalisé par Chantal Lapointe
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